samedi 18 juin 2011

Voici pour recommencer !

CYNISMES

— Qui aboie ici si tard ?

demanda le cynique.

— C’est le chien d’Antigone

qui aboie après la loi

après le roi !

— C’est le chien d’Alcibiade

qui aboie après sa queue

perdue !

— C’est le chien de Diogène

qui aboie après l’ombre

d’Alexandre !

— C’est le chien de Jean Nivelle

qui aboie quand on l’appelle !

09/03/2011

vendredi 17 juin 2011

Diotimos, le retour !

Envie de revenir, oui, c'est à voir ! A bientôt, peut-être…

mardi 18 décembre 2007

CONVERSATION



Chers amis élus de ce blog,

Diotimos va partir prendre quelques vacances du côté de la région des sphinx chère à Chateaubriand. Non l'égyptienne, mais celle où se posent les bonnes questions, où se déroulent de belles conversations avec les énigmes, celles qu'on ne lève pas, qu'on apprivoise seulement !

Il tient à signaler pour ceux que cela intéresse qu'il a par ailleurs terminé son commentaire intégral du Banquet du divin Platon et qu'il en a confié le texte entier facilement consultable et clairement lisible, dans l'ordre, à un site ami tenu par un ami. Voici l'adresse :

http://pierre.campion2.free.fr/smeitinger_banquet.htm

Il sera de retour début février pour d'autres explorations !

A tous bonnes fêtes et bonne année !

lundi 3 décembre 2007

COMMENTAIRE DU "BANQUET" DE PLATON (9)




Éros est un grand démon : sa filiation et sa nature (Début des entretiens avec Diotime rapportés par Socrate, 201d-204c)


Socrate décoche une dernière flèche à son jeune adversaire en lui faisant remarquer à quel point il reste éloigné de la « vérité » et, semble t il, peu soucieux de s’en approcher — à quel point donc il est loin de la véritable « philo sophie » —, lui qui n’ose pas même affronter jusqu’au bout le philosophe va-nu-pieds ! Puis il se tourne vers celle qui va lui permettre de déployer pleinement sa leçon, vers Diotime de Mantinée, la devineresse ou prophétesse dont la clairvoyance aurait permis aux Athéniens d’écarter grâce à de judicieux sacrifices, pour dix ans encore, la peste qui frappa leur cité en 430. Il y a, il faut le reconnaître, un mystère lié à Diotime que l’érudition ne permet pas de réduire. La majorité des commentateurs s’accorde pour voir en elle un personnage de fiction, mais pourquoi une femme et pourquoi cette référence au sacré et cette révérence envers lui ? La féminité rendrait plus « naturelle » l’image de la gestation intellectuelle et de son accouchement à terme et l’on pourrait opposer une conception virile de l’engendrement, comme de la fécondité, à une conception féminine que Platon privilégierait ici. La dimension sacrée est plus opaque et tient à l’ordre des mentalités : en effet, nous voyons toujours dans les dialogues platoniciens Socrate hautement respectueux des croyances et des rites, apparemment confiant dans le savoir des devins comme Euthyphron ou Diotime ! Au moment de sa mort, il demande de sacrifier un coq à Asklépios ! Il ne s’agit sans doute pas seulement, de la part de Platon, de montrer par tous ces traits combien l’accusation d’impiété portée contre Socrate avait été injuste. Il s’agit plus probablement, de la part d’un individu lié au monde qui est le sien, d’une adhésion non questionnée à un fonds commun de sacralité diffuse dont il nous est désormais fort difficile d’apprécier l’ampleur et l’intériorisation effective (si la question a un sens, dans le contexte !). Il s’agit de croyance, de celle de Socrate et de celle de Platon, de celle des Grecs de l’âge classique ! Toujours est-il que Socrate fut l’un des premiers « penseurs », le premier même peut-être, à tenter de séparer le cheminement vers la vérité de toute présupposition dogmatique quelle qu’elle soit, à établir sa « maïeutique » sur la progression d’arguments qui s’enchaînent selon la raison et non selon l’opinion. Nous souhaiterions sans doute encore établir une aune pour jauger l’impact du religieux et/ou du sacré comme de la croyance sur la « pro duction » de la vérité. Du moins Socrate nous a-t-il incité à clairement discriminer les ordres et l’a, pour sa part, toujours fait, ouvrant à sa façon la grande tradition rationaliste !

Devant Diotime, Socrate fait le petit garçon et il est sûr que le Socrate d’âge mûr, qui parle, se peint plus naïf et plus borné qu’il ne l’était sans doute en son jeune temps : il procède ainsi pour tenter de dédouaner Agathon, pour atténuer le sentiment de vexation éprouvé par celui-ci ! Car le jeune Socrate ne cesse apparemment de verser d’un extrême dans l’autre au risque de passer pour simplet, ne pressentant pas de moyen terme entre beau et laid, bon et mauvais, mortel et immortel… Faux et vrai… Ici Diotime introduit, d’une manière elliptique et apparemment sans conséquence, une brève analyse de « l’opinion droite » (ou vraie) qui a bien plus d’importance qu’elle n’en a l’air car elle rend nécessaire sans le dire la dialectique et la « dialogique » platonicienne. En effet, si « avoir une opinion droite », c’est manifester la vérité « sans être à même d’en rendre raison », qui jugera de la véridicité ? Pas celui qui, parlant ainsi, demeure à demi ignorant. Le processus de pensée qui établit « l’opinion droite » implique pour le moins un interlocuteur, apte à « rendre raison », lui. Et il ne s’agit pas exactement d’une position intermédiaire entre savoir et ignorance, plutôt d’une mise en discours exigeant un rapport d’interlocution actif et positif. Certes il y va de la vérité, mais celle-ci reste donc relationnelle si ce n’est relative. Si l’on applique cette idée au dialogue même qui se déroule en ce banquet, l’on s’interrogera sur le statut des divers discours proférés par rapport à la vérité de l’amour. Il était déjà clair qu’aux yeux de Platon, la série des exposés rhétoriques et « littéraires » n’avait pas même le statut d’opinion droite : la plupart étaient de purs ornements creux et même faux. Seul le discours d’Aristophane pouvait, par sa complexité et sa cohérence, se hisser au rang de mythe, mais c’est un mythe que Platon n’avalise pas bien qu’il rende compte d’une puissante aspiration, décelable dans le désir érotique humain. Quel va être le statut des développements attribués à Diotime ? Nous allons le voir, ils mettent en œuvre, eux aussi, une matière mythique homogénéisée par une métaphore centrale, celle de l’accouchement à terme, et par une idée-force, celle du désir d’immortalité, universel chez les humains. Mais est-ce qu’il s’agit de la vérité telle qu’en elle même ou encore d’une esquisse imagée et incertaine ? Toujours est-il que l’intervention de Diotime fournit à Socrate l’interlocutrice nécessaire pour le faire « accoucher » d’un discours vrai, ce qu’il n’aurait jamais réussi à faire tout seul et c’est aussi pourquoi ce « rôle » a été introduit dans l’échange. C’est une leçon du Banquet, qui n’est pas directement tirée dans le dialogue lui-même : la vérité exige un accoucheur ou une accoucheuse ; ce sera la « maïeutique » associée au personnage de Socrate. La vérité naît d’une rencontre et d’un « travail » en commun : la mise au jour en son processus a finalement autant d’importance que la vérité peut-être dogmatique (la théorie des Idées-Formes, par exemple) qu’elle permet d’atteindre. Il y a quelque chance que ce soit pour cette raison que le discours d’Alcibiade succède encore à ce qui pourrait passer pour la vérité atteinte… La recherche de la vérité prime sur un résultat toujours sujet à caution et à interprétation ; l’important est que l’appétence qui porte au vrai ne cesse jamais. Des interlocuteurs comme Agathon et Alcibiade font toutefois toucher les limites « mondaines » de cet appétit et de cette mise au jour (l’idéalisme que l’on veut voir en Platon ne se sépare pas d’un regard réaliste et démystificateur) ! Le personnage de Socrate incarne, lui, jusqu’à l’outrance et au grotesque le sérieux et le risque attachés à une entreprise d’« accouchement » de la vérité où, paradoxalement, il laissera la vie.

Anticipant — bien que narrativement ce soit en un après-coup — la définition du désir comme manque que Socrate a développée dans l’élenkhos qu’il a infligé à Agathon, Diotime démontre au jeune Socrate qu’Éros ne saurait être un dieu puisqu’il aspire, encore et toujours, à des « choses qui lui manquent » : beauté, bonté, savoir, bonheur alors que les dieux, eux, en sont abondamment pourvus. Éros est « un grand démon », non un dieu, c’est-à-dire un être intermédiaire et médiateur dont la vocation et même l’essence sont de « faire en sorte que chaque partie soit liée aux autres dans l’univers ». Ce type d’êtres unit en particulier les hommes et les dieux, se faisant l’agent et le garant des échanges établis par les prières, les cultes et les offrandes. Il se manifeste aux hommes dans le songe ou dans la veille — Hypnos est lui aussi un grand démon — et, quand l’expression d’« homme démonique » est employée pour qualifier celui qui entretient par ce médium des relations avec la puissance transcendante (quelle qu’elle soit), l’on ne peut s’empêcher de penser à Socrate lui-même, au début du dialogue, s’arrêtant sous l’auvent de la maison des voisins au lieu d’entrer dans celle d’Agathon et restant là en communication avec l’inconnu. L’on pense plus fortement encore à notre philosophe va-nu-pieds quand, après avoir raconté sous la forme d’un mythe la conception d’Éros lors des fêtes saluant la naissance d’Aphrodite, le fils de Poros (l’Expédient) et de Pénia (la Misère) est dépeint comme un être « rude, malpropre », sans logis et errant à l’aventure. Toutefois il est animé d’une ardeur insatiable pour « ce qui est beau et ce qui est bon » et se révèle « chasseur redoutable », « passionné de savoir » et passant tout son temps à « philosopher ». Mais il a ainsi, tenant de son père le rusé, quelque chose du « sorcier », du « magicien » et de « l’expert ». « Ni mortel ni immortel », il ne cesse de croître et de décroître, de s’épanouir et de se flétrir, de gagner et de perdre, passant de l’indigence à l’opulence et vice-versa sans transition ni cesse. Ni savant ni ignorant, il en sait tout de même assez pour être conscient de sa déficience et souhaiter s’améliorer sans jamais parvenir, là non plus, à la stabilité.

Diotime en revient alors à ce qui restera l’une des définitions-clefs de ce grand démon : « Éros est amour du beau », ce qui implique ipso facto désir du savoir et du bien. Et la prophétesse en profite pour renverser une idée reçue, pour détruire une image toute faite : dans la relation amoureuse telle que l’envisagent les Grecs de l’époque classique, Éros ne tiendrait pas le rôle de l’aimé qui, bien sûr, est beau et comblé de tous les charmes possibles mais celui de l’amant en quête et requête perpétuelles. Éros n’est pas l’éromène, mais l’éraste, il n’est pas celui qui accorde et offre en s’offrant mais celui qui ne cesse de chercher et de demander et n’obtient jamais exactement ce qu’il souhaite. Au fait, que souhaite et que cherche vraiment un amoureux ? Diotime va maintenant entreprendre de répondre à cette immense question.

mardi 27 novembre 2007

LE VOYAGE ANTÉRIEUR (1)






LE VOYAGE ANTÉRIEUR



…il s’agit bien d’atteindre son lieu de déracinement…




J’ai marché dans mes pas
— ce n’étaient pas les miens…







I Tübingen

Humble servant des choses
et des saisons
il eut une tour sur le Neckar
servant des simples noms

risque était pris
dans le très mince écart
où gisait l’offrande défraîchie
près des jeunes morts

le vif de l’œil valait l’empan
l’embrasure des jambes
une illumination.

II Col de la Furka

Du très haut
— naufrage en altitude
un glacier aérien et bleu,
père du Rhône —

la Furka mime les horreurs de l’art
le sublime d’une mer
avec ou sans épave.

III Bibliothèque de Saint-Gall

“Pharmacie de l’âme”
en grec au linteau

lieu des volumes encagés
dans les courbes baroques
d’un parquet à lire
comme miroir de nature

les mangerons-nous, ces livres
vénérables ?
— pilés comme poudre de momies
ou découpés en petits carrés —
morte médecine.

DIE REISE NACH FRÜHER (1)







Die Reise nach Früher


Übersetzung: Angelika Gross


…es gilt, den Ort der eigenen Entwurzelung zu erreichen…

Ich bin in meine Fußstapfen getreten - es waren nicht meine eigenen …





I Tübingen

Demütiger Diener der Dinge
Und der Jahreszeiten
Er hatte einen Turm am Neckar
Diener der einfachen Namen

der Schritt war gewagt
Im haarbreiten Spalt
Wo die verblühte Gabe lag
Bei den jungen Toten

Die Schärfe des Blicks lohnte die Handspanne
Das Gewölbe der Beine
Eine Erleuchtung.

II Furkapass

Von dem Mächtigen oben
- Schiffbruch in der Höhe
ein Gletscher luftig und blau
Vater der Rhône -

der Furka mimt die Schrecken der Kunst
Das Erhabene eines Meeres
Mit oder ohne Wrack.

III Bibliothek von Sankt Gallen

"Apotheke der Seele"
in Griechisch auf dem Sturz

Ort in Barockwindungen
gezwängter Massen
eines als Spiegel der Natur
zu lesenden Parketts.

Werden wir sie verspeisen,
Diese ehrwürdigen Bücher ?
- zerstoßen zu Mumienstaub
oder in Viereckchen zerschnitten -
tote Medizin.

(Poème de Diotimos)

dimanche 25 novembre 2007

"AU MITAN DE LA VIE" de Hölderlin



Au mitan de la vie

Il est suspendu
Avec des poires jaunes
Et plein de roses sauvages
Le Pays dans le lac —
Vous — cygnes gracieux
Et ivres de baisers —
Plongez la tête
Dans l’eau sobre et sacrée.

Malheur ! où prendre — quand
C’est l’hiver — les fleurs et où
L’éclat du soleil
Et les ombres de la terre ?
Les murs se dressent
Muets et froids — dans le vent
Grincent les girouettes.

(traduction de Diotimos)